lundi 21 octobre 2013

un mois de la collection été-automne



La semaine 39
Et aussi, manger les restes du dimanche, de cette semaine où je n’écris rien.

La semaine 40
Les images de Sans soleil de Chris Marker ; les trois enfants plus que blonds, les maisons ensevelies sous la cendre.
Au moment d’aller se coucher, le hibou hulule. On dit que c’est l’oiseau de sagesse, celui qui voit dans la nuit.
Je fais un cheesecake.
Une nouvelle décoratrice border line chez woody ; elle aussi va chavirer. C’est triste et beau.
On dîne tard sur la terrasse et je crois qu’un soir, on finit la bouteille de vodka et le cheesecake aussi.

La semaine 41
Un très agréable dîner du lundi soir, avec de belles personnes,
mais Patrice Chéreau nous quitte et je m’en vais prendre le train.
Les petites figurines en terre cuite de Rithy Panh volent dans le ciel, ce sont trois enfants morts, des anges aussi.
Ne pas se laisser aller à la tristesse du monde, je fais un gâteau aux pommes.
Voyez-vous, dans ma vie luxueuse, je me fais masser une fois par mois, et c’est cette semaine, cette semaine est donc purement divine.
Adèle comme une histoire sociale de l’amour impossible, et où il est dit que l’art ne nous libère pas de ce que nous sommes.
En sortant du cinéma, c’est dimanche midi et c’est l’été, le déjeuner en terrasse est le temps de décorticage du film, nous sommes trois à l’avoir trouvé un peu trop long, mais pas du tout aux mêmes endroits, ainsi, à nous trois, nous en arrivons presque à un court métrage !
Et en dessert, le meilleur cheesecake de la ville pour se préparer à aller travailler, car parfois, le repos n’est pas dominical.

La semaine 42
Lundi soir, Simone tue le chat de Jean et Chris filme le chat de Simone. Emile n’en a rien à faire et ronronne sur le canapé.
C’est l’automne, enduire les morceaux de patates douces et de courge d’huile d’olive, de poudre de cumin, de fenouil, de sel, les cuire sur la plaque du four avec des graines (courges, pignon …), les mélanger à du boulghour, arroser d’un filet de citron. C’est orange, c’est beau.
Je parle devant cent vingt personnes, même pas peur ; enfin, si, un peu quand même.
Une jeune fille n’ira plus à l’école en France. C’est comment, l’école, là où elle vit aujourd’hui ?

jeudi 10 octobre 2013

souvenirs de lecture



Je me souviens que lorsque ma mère est entrée à l’hôpital, bien plus gravement malade qu’on ne le pensait, je lisais l’œuvre au noir, de marguerite yourcenar. Je me souviens qu’à l’annonce par le médecin de son état critique, je n’ai plus réussi à lire une seule ligne et ce pendant de longs mois, bien au delà de sa mort. Il n’y avait plus de place dans ma vie, dans ma tête pour ce qu’était la lecture pour moi et que je découvrais avec cette impossibilité.
Depuis que j’avais six ans et que je savais lire couramment des livres sans images, j’avais toujours eu un livre en cours, voire deux, trois de front. J’avais quarantre trois ans et le processus s’arrêtait ! C’était désemparant et inquiétant, car je m’aimais beaucoup en lectrice. Mais je n’y arrivais plus, tout me tombait des mains. Je savais que je lisais pour échapper au monde, à la vraie vie, tout en sachant que la lecture m’y ramenait de manière plus intelligente … je découvrais que je lisais aussi pour échapper à ma mère ! Cette construction enfantine m’aparaissait tout à fait clairement, maintenant que je n’arrivais plus à lire et qu’elle n’était plus là. La lecture, c’était comme Alice,  j’entrais dans le rabbit’s hole et n’y étais plus pour personne, pour elle. J’échappais à son regard omniprésent, omniscient. J’étais en vacances, en vacance. Il n’y avait plus de regard auquel se soustraire (dans le premier jet, j’ai écrit se soumettre, j’en tombe de ma chaise !). C’était aussi possible, car j’échappais avec la permission maternelle. Je lisais, ce qui pour elle était la preuve et la fierté qu’elle m’avait bien élevée (ce qui est vrai),  je lisais ce qu’elle ne pourrait jamais lire,  elle m’avait donné les clefs pour lui échapper, ce fut un gouffre de tristesse, pour elle, pour moi, jamais comblé.
Alors pendant de longs mois, j’ai juste eu envie de lire. J’achetais des livres, les commençais, c’est tout. Je n’entrais dans rien, le trou c’était refermé, me laissant à l’extérieur, assise dans l’herbe, regardant le paysage, moi qui n’aime pas ça ! Libre d’aller jouer avec les autres, mais je n’aime pas trop ça non plus !

Je me suis remise à lire … Je ne sais plus comment, Marguerite Duras, la vie matérielle que j’achetais pour la deuxième fois sans m’en apercevoir, à nouveau et complètement séduite par quelques mots lus au hasard dans une librairie, je me souviens très bien m’être dit alors que j’avais envie de ces mots, là, maintenant … C’est en rentrant à la maison que f. m’a dit qu’on l’avait déjà et que je l’avais déjà lu. En effet ! Et puis il était Dix heures et demi du soir en été et le souvenir des litres de manzanilla très frais. Ce sera aussi l’année de l’éloge de l’ombre, une belle année, finalement.

Plus tard, j’ai recommencé l’œuvre au noir, fini l’œuvre au noir …, relu pour la quatrième fois Hadrien, plongée dans les nouvelles orientales. Tout était revenu, différemment, sûrement. …
J’aime les marguerites.