mercredi 30 janvier 2013

Je me souviens de quelques jours de janvier

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Je mange un bol de soupe et un muffin à l’orange confite en écoutant la pluie tomber. Et aussi, je prépare le thé. J.B. Pontalis est mort hier.
J’écoute à la radio Agnès Varda dire : "je n’ai jamais lutté pour être belle, pour être jeune … »
Je vais deux fois au théâtre et n’aime pas trop ça (la deuxième fois, sans honte, au quatrième rang, je m’endors sous le nez des acteurs).
Je me souviens alors de la semaine passée et des robes des danseuses fleuries et acidulées. On devine que la gaîté peut tourner à l’orage. Les neufs couples avancent lentement aux petits pas déhanchés. La seconde fois, les hommes retireront leur chemise et ensemble, ils iront s’allonger sur le sable. Ce sera presque fini. Ils seront applaudis debout.
Je regarde les photographies prises au Rijksmuseum où j’ai encore vu des citrons qui déroulent leur écorce le long des nappes blanches recouvertes de pain, d’huîtres, de verres précieux de Venise à moitié vidés de leur vin. Des cornets de papier remplis de poivre, de sel (je venais d’apprendre à manger les huîtres rehaussées d’un tour de moulin de poivre).
Je vais à la cinémathèque voir un film d’Ernst Lubitsch.
Je « fais les soldes » et reviens avec des choses marron et bleu, des choses que l’on peut mettre au printemps fou qui arrive déjà (15° à l’heure où j’écris).
Je lis  dans un livre qui parle du luxe « …le fameux jardin zen du temple Ryoanji, à Kyoto, comporte onze pierres, dont l’observateur, où qu’il soit placé, en voit toujours dix – jamais plus, jamais moins. Ce petit mystère constitue « la part d’ombre » du jardin, qui laisse chacun en tirer la leçon qu’il veut. »
Je me couche tôt, je ne m’enrhume pas, je rêve des lumières d’hiver dans les appartements d’Amsterdam, je me souviens de la pause fika au café Puccini et d’une certaine addiction à la tarte aux pommes ; aussi, de la difficulté de B. à avoir une part de gâteau pour lui tout seul !

dimanche 27 janvier 2013

du champagne

 
Je ne bois du champagne que lorsque je suis joyeuse et lorsque je suis triste. Parfois, je le prends quand je suis seule. Je le considère obligatoire lorsque j’ai de la compagnie. Je joue avec quand je n’ai pas d’appétit, et j’en bois lorsque j’ai faim. Sinon, je n’y touche jamais, à moins que je n’aie soif.

Elisabeth Bollinger

jeudi 24 janvier 2013

les objets nomades

 
Tous les matins, je bois le thé dans le même petit bol bleu. Je me souviens où et quand je l’ai acheté et ainsi, lorsque que j’y prends garde, je prends le thé avec une pensée pour ce moment particulier et tout ce qui s’y ramène. C’était plutôt l’hiver, j’allais seule au cinéma en fin d’après-midi après avoir rendu visite à mon père ; il y avait une boutique japonaise près du cinéma.
Je me souviens que les objets racontent des histoires. Le tissu rose à fleurs qui est de chaque voyage d’été, de printemps et qui sert de nappe de pique-nique, de rideau, de paréo de bord de mer, de drap, d’écharpe … Dans une maison amie, il y a le même et celle qui y vit me l’a offert, le sien est allé à Hong-Kong, le mien à Central Park. La bague en pierre de lune qui s’est cassée à Turin en tombant du rebord de la fenêtre. Chaque fois que je la glisse à mon doigt, je remercie, je ne sais ni qui ni quoi, peut-être la fêlure elle-même de nous avoir construit et non séparés en deux morceaux. Elle est donc devenue la bague des fiançailles. Je me souviens avoir perdu le petit porte-monnaie vert dans la rue, il y a six ou sept ans et le gilet noir boutonné devant, oublié dans une chambre d’hôtel … et m’en remettre difficilement ! Je me souviens d’avoir prêter mon livre à une amie pour qu’elle découvre ce texte et qu’elle m’a rendu à la place un livre neuf et que j’ai détesté cela. Je me souviens avoir trouvé par terre, lors d’une soirée exaltée et un peu fausse, il y a de cela presque dix ans, l’écharpe que je porte aujourd’hui et que c’était comme si elle m’attendait là pour me ramener à moi-même. Il y a encore quelques autres objets qui accompagnent ma vie. Mais je sais de source sûre, que, même grande, on peut avoir des doudous.
Je me souviens de la bague carrée rouge qui va avec tout.

mardi 15 janvier 2013

les à-côtés

 
Je me souviens avoir vu une pièce de théâtre et, bien que connaissant le texte, avoir eu du mal à comprendre cet acteur japonais qui parlait français. Je me souviens que longtemps après, je me souvenais des belles chaussures que portait l’actrice. Mais aujourd’hui, je ne sais plus à quoi elles ressemblaient ! Je me souviens que nous nous sommes aperçus que cet acteur était une star lorsque des jeunes filles japonaises, en larmes, ont déposé des fleurs somptueuses à ses pieds à la fin de la représentation et qu’il trouvait cela tout à fait normal. Je me souviens que j’ai dit à une amie qui allait voir cette pièce le jour suivant de se munir d’un coussin confortable pour affronter la durée du spectacle. Mais en fait, je me souviens de peu de choses de la représentation elle-même. Je me souviens que les « hors champs » me sont souvent plus présents que les choses elles-mêmes. Ainsi, je me souviens avoir vu  Laurent Terzieff au théâtre, mais de ne pas me souvenir du tout dans quelle pièce cela pouvait être. J’étais au premier rang et lorsqu’il s’est écroulé sur scène ; son rôle le voulait, sa main pendait juste devant moi, il m’aurait suffi d’avancer la mienne pour caresser la sienne. Je me souviens qu’alors, je n’ai plus pensé qu’à cela, sans le faire, oubliant tout le reste. Ce fut un peu la même expérience quand, f. et moi toujours au premier rang, une des danseuses de la troupe s’est mise à courir et sauter seulement habillée de ses voiles transparents. Son absence totale de sous vêtements (pourquoi celle-là seule parmi les autres danseuses ?) nous déconcerta, nous faisant totalement oublier ce que pouvaient bien faire les dix autres danseurs pendant ce temps ! C’est ainsi, je me souviens des détails, des à-côtés, des petites choses. Je me souviens très clairement d’un parfum d’enfance que j’avais retrouvé adulte et fait sentir à ma mère, ça ne lui disait rien du tout.