vendredi 11 août 2017

L’été de ma nostalgie






J’ai bien pris soin de ne pas aller en vacances dans la ville de mon adolescence, mais juste à côté. Juste à côté, ça ne fait pas mal. Il a plu, très peu, et même parfois, il a fait très beau. J’ai lu, j’ai marché. Ni l’un, ni l’autre autant que j’aurais aimé, mais c’est souvent ça, les vacances, on en n’a rarement la quantité voulue. Et puis, ce n’est pas à la quantité que ça se mesure, car en vacances, la mesure de la valeur change : on apprécie, plutôt qu’on ne consomme. Donc c’était bien.
J’ai lu les centaines de lettres que s’échangent V.W. et V.S-W., au cours de leurs presque vingt ans d’amitié. Elles sont délicieusement snobs, elles sont libres.


Et au retour, un soir de désoeuvrement, je regarde le film dont je ne me lasse absolument jamais (f. a dit oui ! Parfois, il dit non, mais j’avais sagement regardé tous les Ozu avant de partir en vacances !).

Je vois Les nuits de la pleine lune au cinéma, la première fois, en septembre 1984. J’ai 21ans. Pour plein de raisons, Pascale Ogier devient mon héroïne. Elle meurt en octobre. Alors, elle sera éternellement Louise. J’ai 21 ans, j’apprends que mes idoles peuvent mourir. Le temps fait que j’apprends aussi qu’elles ne peuvent pas mourir. Car à chaque fois, chaque visionnage, ça fonctionne : le ça qui m’a nourri en 1984, me nourrit encore, pareil. Le paradis n’est pas perdu. Magie.

En 1984, je lis l’Autre journal. Je lis l’Autre journal, car j’aime la littérature, car j’apprends à avoir un avis politique, car j’ai 21 ans. Je vais l’acheter chaque mois, avec impatience. Je crois que je me souviens de son poids dans mon sac. Après, je l’achète toutes les semaines, Hervé Guibert écrit dedans.
En 1985, j’achète l’Autre journal et j’achète mon premier parfum. J’ai 22 ans. J’achète Anaïs, Anaïs, car j’adore la publicité !

En 1987, mon parfum, c’est Loulou. Cacharel, je m’en fous. Mais Sarah Moon et Louise Brooks me font rêver. Et j’avais vu Lulu au cinéclub de la Fac. J’arrête mes études en histoire de l’art. Hervé Guibert est à la Villa Medicis.

Hervé Guibert, je le lis déjà dans Le Monde (une prof de français m’a appris à lire Le Monde quand j’avais 17 ans. A 17 ans, je porte de l’eau de Cologne Mont Saint-Michel et Eau jeune). Je ne savais pas qu’il avait une gueule d’ange. Je l’apprends plus tard, par les photos, je l’apprends quand c’est déjà trop tard, quand je regarde Apostrophe, en 1990. Malade, amaigri, il flotte dans sa veste aux larges épaules.

A la toute fin de l’année 1991, il meurt. J’ai 28 ans. J’apprends qu’on peut vraiment mourir jeune. J’apprends à regarder quelqu’un mourir, un soir, seule chez moi, à la télévision. Je pleure. J’ai un travail, depuis deux ans.
J’avais encore changé de parfum.
Un parfum de femme, pour le soir qui, curieusement, me rappelait quelque chose de l’enfance.
En 1991, au cinéma, je vois La double vie de Véronique. J’apprends qu’on ne meurt pas, car on a plusieurs vies. Et à chaque fois que je revois ce film, quelque chose de Loulou flotte dans l’air. Et m'apporte de la joie.

samedi 20 août 2016

de la vie des librairies




H. me dit qu’elle n’achète des livres que dans cette librairie, cette petite librairie, celle de son adolescence, dans une autre ville, où elle retourne régulièrement. Elle sait qu’elle passe alors pour quelqu’un d’extrêmement snob, car nous vivons dans la ville qui possède la plus belle librairie de France (si, c’est vrai, même Ali ibn el Kharish l’avait dit. Il avait dit qu’il n’avait jamais vu de librairie comme ça dans le monde ! On avait ri, on avait envie que ce soit vrai)

Cette petite phrase au détour de la conversation me fait rire et me rend triste. La librairie de mon adolescence a fermé l’année dernière. Une librairie avec un sous-sol où étaient rangés les livres de poches. Au fil des années, je descendais moins et achetais « des vrais livres », format adultes, ceux alignés sur les tables du rez-de-chaussée. La librairie faisait un angle, elle avait deux vitrines, une sur chaque rue. Le coin en face : une librairie – papeterie sans intérêt. La guerre des genres, de positionnement social, choisir son camp, sa rive, assumer son exigence littéraire, celle qui, à l’âge de l’adolescence, vous révèle peu d’amis.

J’y avais acheté « les versets sataniques », le libraire de l’époque avait laissé les livres dans un carton à l’entrée de la librairie, nous disant en rigolant, je le vends, mais je ne le touche pas, on ne sait jamais, payez et servez-vous !
Adolescente, j’y avais acheté Le discours amoureux (et je sais que je ne suis pas la seule).
Plus tard, je n’étais plus adolescente, le libraire avait changé, nous avions sympatisé, je me souviens d’un déjeuner de pâtes et de courgettes, chez lui, un jour, dans une petite maison au bord de la mer. Il est parti à son tour ; moi, je n’habitais déjà plus la ville. J’y allais de temps en temps en vacances, j’y achetais à chaque fois un livre, pour dire, pour continuer l’histoire avec « ma » librairie.
Et puis, cet été, à la place de la librairie, il y a une boulangerie – pâtisserie qui a gardé le nom qui appelle quand même plus la création que le petit gâteau. C’était noir de monde. Je suis restée sur le trottoir d’en face, l’air mauvais, à l’entrée de la « librairie » d’en face, toujours là, elle. Ah, j’oubliais, dans cette ville, la maison de la presse aussi, a fermé.

Cette nuit, nuit de pleine lune, je ne dors pas. Je lis sur le canapé, j’attends le chat qui finit par arriver et avec qui je partage un bout de gâteau, il est trois heures passées. Je finis le livre acheté en vacances, dans une vraie librairie, cachée au cœur d’une forêt. Une librairie-café, faite pour les longues pauses après la marche.
C’est un livre qui parle de s’isoler, de s’enterrer, d’être littéralement englouti et finalement, reprendre vie.

Dans la vraie vie des librairies, parfois, il y a ça aussi : des héroïnes prennent vie. Attention, ça fait peur ! (merci Eric). Bon, il faut bien connaître son Stephan King !

dimanche 26 avril 2015

une semaine à Bruxelles

La toile cirée en orange.  Nous allons dîner plusieurs soirs sur cette toile cirée, dans cet appartement du centre de Bruxelles. Dany Wilde et Brett Sinclair sont en photo dans le couloir et aussi dans la chambre. J’adore.
Pour notre premier soir bruxellois, car il est très tard, nous dînerons dans une cantine vietnamienne d’un bol de nouilles artisanales, délicieuses. La première bière de  f. est chinoise !
Il est presque minuit et nous sommes attablés dehors, il fait bon.  Autour de nous, les gens prennent leur temps et goûtent cette tiédeur soudaine.
Le lendemain matin, nous  cherchons la boulangerie réputée. Il pleut. F. chante une chanson des frères Jacques. Je ne crois pas qu’il y ait de corrélation entre ces deux faits. Il pleuvait avant et nous passons devant le restaurant  « la Marie Joseph ». Il est question de marins bretons pas du tout maussades.
Nous rentrons dans l’appartement orange, manger nos brioches aux raisins, le pain aux céréales. Nous avons le temps de quelques lectures avant l’ouverture des musées royaux des Beaux-Arts. Une des premières toiles que je vois est une annonciation du Maître de Flémalle. Pas besoin d’aller plus loin, celle-là suffirait à mon bonheur, à ma journée, à mon séjour d'une semaine.
D’ailleurs, nous pourrions voyager dans cette frugalité : aller à Lisbonne voir la tentation de Saint Antoine, à Copenhague, la maison jaune de Per Kirkeby, quatre ou cinq Hammershoi à Ordrupgaards, allez à Amsterdam pour Floris Claesz van Dijck, à Florence, n’aller qu’à Santa Felicità, au bout du Ponte Vecchio, pour la descente de croix de Pontormo, en profiter  pour ne pas retraverser et rester de ce côté du pont, à Paris, faire trois heures de queue pour ne voir que les Bonnard d’Orsay …
Mais en trois jours, nous verrons le musée Oldmasters, le musée moderne, le musée fin-de-siècle, le musée Magritte. Jan Fabre déjà chez les Oldmasters, pour notre plus grand plaisir (waxes and bronzes). Absolument réjouissant.
Bruxelles, c’est traverser la ville en tout sens en marchant doucement, regretter d’être en avion et ne pas pouvoir ramener les luminaires années 30 des brocanteurs, se dire qu’il est l’heure de manger une gaufre et faire une vraie étude chez Dandoy entre la belge et la liégeoise, ne pas être d’accord.  Marcher encore deux ou trois heures avant le cornet de frites. Regretter de ne plus avoir très faim pour les moules, les huîtres, les poissons de chez Oysters and Smorrebrod (on mange debout dans la rue, mais seulement jusqu’à 18h). Tels de vrais Bruxellois, nous nous sommes réfugiés chez Toone déjeuner d’un platekeis (merci Dominique).
 Pendant que je rêve de voyages frugaux quant aux visites muséales, f. fait de vraies études comparatives dignes de guides touristiques : New York et son cheese cake (le must, c’est ici ou alors dans le quartier ashkénaze),  Copenhague et ses smorrebrod, Bruxelles et ses bières. Il faudra donc revenir encore et encore, une semaine ne permettant pas d’épuiser la question. Imaginer un étranger en terre française s’intéressant aux pinards, aux fromages …
On a pris le train, on s’est arrêté à Mons, puis on a pris un bus pour aller au Grand Hornu voir une exposition de Christian Boltanski. Il faisait très beau. L’exposition était très belle et nous a rendu un peu triste, à moins que ce ne soit la ville ou un peu des deux.
Le chocolat et la bande dessinée nous ont totalement échappés. Je rêve de revenir et de prendre le train pour Ostende, Bruges, Gand, Liège.
Je ramène un réveil design comme j’en avais rêvé, un bijou seventies acheté là où Tintin a trouvé la Licorne et une perle de prière tibétaine. Je ramène des images, des saveurs, des odeurs, des sensations de marches lentes au bras de f.

dimanche 1 mars 2015

toujours en peu entre pluie et soleil




f. se lève ce matin, ouvre les volets et dit d’un air enjoué : « ah, comme il fait beau, c’est très agréable ce soleil. » En fait, il pleut et il fait tout gris. Sa bonne humeur fut donc mon rayon de soleil bienvenu, car je suis en deuil : Monsieur Spock est mort. Je m’en remets difficilement. Il fut un temps, dans une autre vie, où j’étais très amoureuse de Monsieur Spock : les oreilles, l’humour, le sourire (rare), le signe vulcain, la combinaison bleue, la coupe de cheveux, tout. C’était une époque où j’étais volage et je fus donc aussi amoureuse de Hann Solo, beaucoup plus expansif. Je voulais l’épouser. La blague familiale dit que je me suis finalement mariée avec Chewbacca. Je suis très contente de ce choix final, je dois le dire. Un ami mal attentionné (je ne te remercie pas, Eric) a spoilé sans prévenir et maintenant, je sais que Hann Solo meurt dans Star Wars VII. Je trouve que l’époque est rude et je me sens vieille.
Heureusement, des petites Merveilles arrivent au cinéma et savent me rendre gaie et triste tout à la fois, état que j’aime particulièrement, car curieusement, je ne sais pas être seulement, simplement gaie. Des corps de sauvageons, libres dans la chaleur italienne. Où l’on apprend que la liberté, c’est comme la beauté, c’est dur et violent.
Sinon, dans la vie triste, il y a eu aussi Copenhague et le musée de Mossoul, entre autres.
Je vous le disais, il est difficile d’être seulement gaie.
Alors j’apprécie particulièrement lorsque Chewie sait voir le soleil à travers les gouttes.

dimanche 25 janvier 2015

je me souviens d'autres dimanches soirs



f. trouve les bobos complexes : ils portent des gants sans doigts, mais des chaussettes avec ! Avec mes gants sans doigts, mais de si belle couleur, je lis debout dans le train qui me mène à la ville, au travail, à la longue journée qui aujourd’hui est pluvieuse.
C’est le temps des soupes, des légumes racines, des topinambours, que je ne peux plus manger sans penser à mon père.
Je me souviens que lorsqu’il habitait là-bas, seul et moi ici avec f. nous nous téléphonions au moins une fois par semaine et toujours le dimanche en début de soirée. Nous nous racontions la semaine, ce qu’on allait manger le soir … Ce soir-là, je lui dis que j’ai acheté des topinambours, et la conversation roule sur d’autres choses. Puis, très sérieusement, il me dit que si nous avons des soucis d’argent, il faut que je le lui dise, qu’il peut nous aider. Je le remercie de cette prévenance, le rassure en lui disant que tout va bien, qu’il ne faut pas qu’il s’inquiète, qu’il n’y a aucune raison. Mais si, me dit-il, si vous en êtes réduits à manger des topinambours ! Mon père avait neuf ans quand la guerre a éclaté. S’il a pu dire que c’était une période assez gaie, pour un petit garçon de neuf ans, d’être réfugié à la campagne, sans trop d’école, et avec les copains à courir les champs et faire des bêtises, ça a aussi voulu dire pour la famille quitter sa maison à cause des bombardements, vivre quelques kilomètres plus loin, à la campagne, essayer de trouver à se loger, du travail, de quoi manger et tous les jours, manger des topinambours qui vous torturaient les intestins.
Il n’a donc jamais été possible pour moi de lui faire comprendre que les topinambours, aujourd’hui, valaient plus chères que les pommes de terre et que j’en mangeais, car j’aimais ça, que je savais les cuisiner sans qu’il y ait d’effets secondaires néfastes. Non, non, rien ni personne ne me forçait. Il avait toujours pensé que sa fille pouvait être un peu bizarre. Là, il tenait une preuve supplémentaire et flagrante de ce fait. Il riait de mon mauvais goût alimentaire. Je riais de son amour immodéré des seules pommes de terre. Il me demandait de lui promettre de ne jamais lui faire manger de ce maudis légume. Je promis.
Je me souviens aussi qu’il nous avait fait, à ma mère et à moi, le gâteau que sa mère lui faisait pendant la guerre et qu’il adorait. Décontenancées, nous nous étions retrouvées devant une chose grisâtre entre pain et cake. Je crois que c’était fait uniquement avec de la farine de sarrasin, de l’eau, du lait et des œufs ; évidemment, il n’y avait pas de sucre. C’était pour le moins austère, mais il n’y avait pas d’autre alternative que de dire que c’était bon. Emettre l’idée de le manger avec de la confiture était une sorte de trahison. On avait quand même fini dans un fou rire, car au deuxième service, l’une de nous deux (laquelle, je ne sais plus) avait dit que quand même, c’était dégueulasse.
Un peu comme f. qui mangeait pour la première fois, chez une amie, de la glace à la violette et cela lui était venu comme un cri du cœur.
C’est en relisant le sel de la vie, que ces choses me reviennent, car j’y retrouve la Bretagne, la nourriture, les souvenirs et les fous rires : « …mettre un parfum qui s’oublie, savoir se faire oublier, amuser la galerie, soulever un enfant en protestant de son poids mais éviter de l’ennuyer par des questions idiotes, se demander où l’on était avant de naître plutôt que ce que l’on deviendra après la mort, froisser du papier journal, découper des images et faire des collages, décollent en avion ou atterrir, regarder avec convoitise les plats servis à ses voisins, observer la démarche des passants et faire de la psychologie sauvage, attendre à la terrasse d’un café, se dire qu’il faudrait faire de la gymnastique, penser parfois à respirer profondément, mettre à plat un trombone, monter à la main une mayonnaise ou des œufs en neige, boire quand on a très soif, n’avoir jamais honte d’être soi… »

vendredi 16 janvier 2015

aujourd'hui, j'ai de la peine



Je regarde les photos de l’année dernière, f. dans son costume de lin gris, m. et ses chaussures dorées qui brillent, les boutons de la chemise de b. sont tremblés et ressemblent à des fermetures chinoises. C’était le soir de l’opéra en Italie, nous étions comblés d’émotion (nous nous étions avoués f. et moi, plus tard, que nous avions un peu pleuré), il faisait doux, nous avions dîné dehors.
Il y a peu, j’écrivais : « maintenant, nous attendons sereinement l’année nouvelle. »
Puis, le ciel nous est tombé sur la tête. Nous avons été emportés par une violence qui nous atteint au plus profond. Que faire de ce monde violent et désenchanté qui nous est proposé ? Celui qui déteste l’autre pour ce qu’il est, pour ce qu’il pense. Et qui, au delà de la détestation, veut son éradication.
Je regarde des images sur le net, je vois des femmes en cage, dans de longs vêtements blancs, vendues comme esclaves pour trente euros, sur une place de marché, je lis les mille coups de fouet pour punition d’avoir écrit, je lis l’horreur d’une fillette qu’on envoie sur un marché, les vêtements remplis d’explosifs, je lis des villages entiers détruits, les habitants morts assassinés.
Je marche avec les autres, tous les autres et je m’enferme dans ma cabane. Je clos la porte, ferme les rideaux. Je tente de retrouver le sens de l’orientation.
Ce soir là, nous avons bu, pour avoir la sensation du chaud, de la brûlure intérieure qui dit qu’on est vivant.
Aujourd’hui, j’irai acheter des fruits, des légumes, du vin ; ce soir, je ferai une soupe. C’est dérisoire d’écrire tout cela, mais je me dis que c’est ce que voudraient faire ces femmes encagées, ce blogueur flagellé, ce qu’aurait aimé faire un jour cette fillette assassinée. Etre debout et faire simplement ce qu’on a à faire, le faire pour tous ceux qui sont empêchés.
Alors continuer à prendre des photos du chat, de l’amoureux, continuer à lire, à faire le thé, continuer à être vivant pour ceux qui le sont à peine.

mercredi 31 décembre 2014

pour un dernier jour



Il y a eu la petite maladie d’octobre, elle fut suivie d’une grande lassitude. Il y a eu quelques heures de lecture et d’errance avec patrick modiano (et le doux plaisir de cette heure-là, doux et un peu douloureux tellement on voudrait l’aider). Il y a eu, à l’automne, des smoothies à la poire et à la figue, les soupes de potimarron de f. parfois au gingembre, parfois à la poire ou à la pomme, le chou fleur s’est cuisiné en gratin un poil plus raffiné qu’à la béchamel. Il y a eu peu de films et des romans dont la lecture s’est arrêtée en cours, plus envie de vide que de mots, peut-être.
Il y a eu la Bretagne, la vraie, avec les huîtres, les crêpes, la mer verte, dans sa belle couleur d’hiver, le vent et les amis,  qu’on se dit toujours qu’on voit trop peu, ce qui nous rend un peu triste au moment du départ.
Il y a eu du vent et de la lumière très claire, un doux été jusqu’au milieu de l’automne, mais aussi des petites bruines qui rendent la terre boueuse, celle qui s’accroche à la semelle des chaussures. Et il ne faut pas mettre de boue sur le sol tout neuf de la cabane. Alors, il y a eu une journée de déménagement de beaucoup de livres du haut (de la maison) vers le bas (du jardin), pendant laquelle je ne crois pas avoir jamais autant enlevé et remis mes chaussures (en ne cessant d’admirer la patience d’ange des japonais). Il y a toujours une toux qui ne veut pas s’en aller, des heures de travail sans que le téléphone ne sonne, de la place dans le parking le matin, le plaisir, après le dîner de s’enfoncer dans le canapé, bataillant un bout de plaid avec émile, pour regarder Olive Kitteridge ou Alison Lockhart, en grignotant quelques chocolats, car c’est de saison. La tisane s’appelle au clair de lune même si le temps, souvent, n’est pas du tout assez clair pour qu’on puisse l’admirer. Noël nous a apporté des heures de musique et de visionnage de films, des choses très pointues et d’autres plus légères, de quoi être gai et triste, selon les envies du moment. Maintenant, nous attendons sereinement l’année nouvelle, comme il est dit ici : « A présent je suis très calme. Il m’est possible de voir un peu plus loin. Je vois que ce n’est pas la fin. Tout continue. Depuis ce matin, j’ai la certitude que Bella attend un veau».