Le printemps s’invite au premier jour du mois pour
disparaître ; le 24, il neige. J’attends des bottines bleu printemps, je
perds ma voix et ne peux donc presque pas parler avec l’amie de passage ! On
me vole mon sac à main et je perds ainsi le fil du livre que je lisais. Je rêve
de ce sac, cercueil reposant au fond de l’eau ! les
mitaines si fines avec un petit trou au pouce, la pochette à fleurs, les images
à jamais perdues (inestimables) dans l’appareil photo (estimable), perdu aussi,
les lunettes jaunes que f. avait choisi pour moi. Je vois un film sublime qui
parle de l’histoire folle du siècle passé, histoire qui empêche d’être au monde
encore aujourd’hui, peut-être.
En février, il y a une alerte à la bombe sur la place
centrale, je ne peux rentrer chez moi que tard le soir, le lendemain, un homme
descendra de son quatre-quatre pour nous dire, à f. et moi, de fermer nos
grandes gueules ! Un cycliste qui roule sur le trottoir m’insulte car il
doit foncer sur les tables et chaises d’une terrasse pour m’éviter … Je trouve
ce petit mois de février bien trop long et fatigant.
Mais heureusement c’est encore l’heure des soupes de potiron
– châtaigne, des tisanes de thym, des recettes de curry de légumes. C’est aussi
le temps des amies qui viennent partager quelques jours autour de dîners, de
petits-déjeuners bavards.
Le garçon qui me vend mes nouvelles lunettes de soleil porte
des bottines marron et une chemise à carreaux. Nous prenons notre temps et
j’écoute ses conseils. Elles s’appellent Satori et c’est parfait. Ce même et
dernier jour du mois, je vais chercher une partie de mes affaires volées aux
objets trouvés et je retrouve la pochette à fleurs et le fil de ma lecture : « Voilà comment ça se passe, en général, on broie sans fin
tous nos souvenirs, les bons et les mauvais, les plus affreux comme les
meilleurs, les moyens et les minables, forcément, tous, ceux des jours de fête
et ceux des nuits de larmes – le satin des matins et la soie des soirs, ça
diminue, ça s’estompe dans les petits lointains de la vie, puis ça finit par se
dissoudre et disparaître complètement au fin fond des éternités, pfuitt,
oubliées. Pok. »
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