samedi 5 avril 2014

le journal d'une lectrice (1)



J’entreprends de relire, comme Alberto Manguel, un livre  par mois.
Relire un livre de prédilection, le faire une année, relire douze livres.
Et entamer une conversation avec eux.

ma liste :
Mars, la naissance du jour, Colette
Avril, la princesse de Clèves, madame de la Fayette
Mai, les nourritures terrestres, André Gide
Juin, dix et demi du soir en été, marguerite duras
Juillet, une chambre à soi, Virginia Woolf
Août, l’usage du monde, Nicolas Bouvier
Septembre, lettres à un jeune poète, Rilke
Octobre, rue des boutiques obscures, Patrick Modiano
Novembre, Eloge de l’ombre, Junichirô Tanizaki
Décembre, Le salon du Wurtemberg, Pascal Quignard
Janvier, les mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar
Février, un bonheur parfait, James Salter

L’idée vient un vendredi de mars, un jour où le printemps arrive, la fenêtre est grande ouverte pour la première fois de l’année, le rideau tiré devant le trop du paysage, l’air chaud et le silence entrent. Je lis la liste d’Alberto Manguel, je fais la mienne en regardant et ne regardant pas ma bibliothèque. Je commence. 


mars, La naissance du jour


Quand les écrivains que vous aimez citent les écrivains que vous aimez, vous avez l’agréable sensation de faire partie de la famille.
Et  J.B. Pontalis dit :
« Parmi les quelques livres qui traînent dans la maison louée pour les vacances d’été, je trouve un recueil de nouvelles de Colette (je n’ai presque rien lu d’elle) et l’envie me vient de relever ces deux passages :
« Je voudrais les chiens… Je voudrais le matin… Je voudrais me lever de bonne heure… Je voudrais le lait chaud avec le rhum, dans la buvette près du lac, les jours où il pleuvait tant… Je voudrais… » Elle trouva sans la chercher la formule de son souhait et l’expression de sa détresse : « Je voudrais l’année dernière. »
Ah ! Nostalgie, exil de soi, douleur exquise…
Et ceci : « Ah, soupira-t-il, j’ai eu peur » (que la femme aimée soit partie) quand il lui est annoncé qu’elle est morte.
Quelle franchise dans cet aveu ! Si elle est partie, elle va continuer à vivre, à désirer, à en aimer d’autres. Tandis que si elle est morte, adieu la jalousie, l’incertitude. Ne demeurera que mon chagrin."
(en marge des jours)

C’est avec Colette que j’ai commencé ma vie de lectrice. Avant, la bibliothèque rose, beaucoup et la verte, un tout petit peu, ça comptait aussi (Ha, les filles de Malory School !).
D’ailleurs, quand Mathilde qui a dix ans est venue à la maison avec son livre, nous avons comparé nos deux éditions : la sienne, la plus récente et la mienne, beaucoup plus ancienne. Chacune préférait les dessins de son édition, mais nous avons discuté comme deux lectrices tout à fait concernées par la littérature d’Enid Blyton, préférant toutes les deux Claude à Annie, François (déjà !) à Mick., pour ce qui était du club des cinq en vacances.
Mais c’est quand même à l’adolescence et avec Colette que tout commença sérieusement. Les Claudine, L’ingénue libertine, La seconde, tout.

Colette ne prend pas Vial. Elle y renonce, car elle ne le désire pas. Elle sait qu’il n’y en aura pas d’autres après. Le jour qui naît est celui de la fin de l’anecdote de l’amour des hommes. Naît alors le vrai amour du vivant, les bêtes, le végétal, se baigner dans la mer.
Dans La naissance du jour, il y a des lettres de la mère de Colette, de belles lettres, de rien, d’amour.
« Vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c’est-à-dire auprès de ma fille que j’adore. Vous qui vivez auprès d’elle, vous savez combien je la vois rarement, combien sa présence m’enchante … Pourtant, je n’accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir. C’est un plante très rare, que l’on m’a donnée, et qui, m’a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m’absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois… »
Je n’ai pas de lettre de ma mère.

Pendant que je relis la naissance du jour. Albert lisait Les notes de chevet.
Livre aimé et inspirant. Exemple.
 
Liste des choses admirables :
Sami frey lit marguerite duras
Il lit la mort du jeune aviateur anglais
Il lit à nous mettre les larmes aux yeux
Et puis, là, il passe les deux mains dans ses cheveux
Alors il redevient David, Emmanuel, il n’a plus d’âge, il a tous les âges, il est tous les rôles.
Sami fait très bien la marguerite.
C’est beau et c’est un peu triste aussi.
Il sort à pas précautionneux.
 

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