samedi 15 mars 2014

De l'amitié



On m’offre un livre de marion fayolle qui s’appelle la tendresse des pierres, en me disant, j’ai pensé à toi en le lisant, tu verras … j’ai vu des dessins doux et fous où l’on enterre  un poumon, enferme une bouche précieuse dans un coffre … J’ai compris pourquoi on avait pensé à moi et ça m’a touché, car effectivement, c’est bien de tendresse qu’il s’agit, celle des filles qui parlent  de leur père qui meurt. La tendresse de ces moments-là, elle vient bien après, longtemps après, quand le deuil a fait son travail, comme on dit, quand la douleur n’est plus seule à prendre toute la place. Alors peut voir arriver la tendresse, on laisse affluer le souvenir de moments doux, même ceux de l’hôpital, celui par exemple où on a pris plaisir à ouvrir la fenêtre de la chambre pour laisser passer l’air du printemps (comme hier) avant que l’infirmière n’arrive tout fermer en disant non, non, il fait trop froid … (et ce n’est pas facile d’aller rouvrir la fenêtre lorsque, comme mon père, on a enterré non pas son poumon mais ses jambes avant tout le reste !).
Et puis, dans la même semaine, j’ai retrouvé ses dessins ici, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Un jeudi, j’ai installé sur une page de mon ordinateur le cadran d’une horloge d’un autre pays, pour savoir l’heure, là-bas, où une amie fait un voyage si précieux.
Et puis, j’ai revu Laurence. C’est difficile de mettre des mots parce que c’est tout frais. Laurence, c’est mon amie de fac, l’institut d’art de la rue Michelet. Je crois que nous ne nous étions pas vues depuis dix neuf ans !  C’est elle qui m’a retrouvée. Et je l’en remercie. Au cours de ces dix-neuf ans, nous avons habité très près l’une de l’autre pendant une dizaine d’années sans le savoir et maintenant, elle s’en va ! Mais notre amitié, non, je ne crois pas. Je crois qu’elle restera, toujours, car dans ses yeux, je me suis vue vingt cinq ans plus tôt et j’ai aimé ce que j’ai vu. J’ai aimé  aussi ce que j’ai vu d’elle aujourd’hui.  Le fil (du temps) qui nous lie, nous relie.

Sinon, le printemps s’est annoncé chez nous avec trois jours d’avance, quand nous avons regardé Mekong hotel. De longs plans fixes, sur la terrasse de l’hôtel devant le fleuve, au son de la  guitare. Où il est encore vaguement question de vampires et d’âmes flottantes, mais où une femme parle en souriant du recul du M-16 qui la faisait tomber, tout en tricotant un fil rose. Et où aussi, face à ce fleuve si calme, paisible, on entend qu’ailleurs, il détruit et laisse exangue une population qui vit de peu, dans l’indifférence générale. L’image alors devient intolérablement douce et se remplit du hors champ.

Deux images d’Ida : l’homme assis, la tête dans les mains, dans la tombe re-creusée, Wanda, habillée comme chez Pina, parcourt la chambre d’un pas léger et vif, décidé, met le son du tourne disque à fond, ouvre la fenêtre en grand …

Dimanche matin, trainant en pyjama et sur internet, nous apprenons la mort d’alain resnais.  Cette fois, il n’y aura pas de « ou bien … ». Fini, l’audace et la liberté de passer de Muriel à On connaît la chanson, de Providence aux Herbes folles, mais nous n’avons encore rien vu.

Les petits lapins de la photo, c’est une autre histoired’amitié et, d’une certaine manière, à la suite d’un pari idiot, mais pas tant, liée à jamais à Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures.