mardi 23 octobre 2012

fin d'été, début d'automne


Je me souviens, en reprisant mon gilet, de la douceur de la fin de l’été à Berlin. J’avais retiré ma veste et allais par les rues et les parcs, marchant d’un bon pas, en gilet de maille noir, et sans chaussettes, un vingt septembre. En rentrant le soir, fourbue, prête à une dînette d’une salade de légumes, humus et saumon avec f., j’avais réalisé que toute l’après-midi, j’avais frotté ma manche à la fermeture éclair de mon sac et maintenant, il y avait un trou dans ce gilet adoré. Prête à l’automne toulousain qui s’avance et aujourd’hui, fait un pas en arrière, je reprise. Penchée sur l’ouvrage, me prenant pour fanny Brawne et rêvant au nouveau manteau arrivé hier dans la penderie, je me souviens de Berlin. Deux jours avant le vingt, nous sommes emportés dans une redécouverte de l’art contemporain à la Boros collection par un jeune homme fort élégant, mince, en pull jacquard mailles fines, bleu et blanc et jodhpur quatre boutons, le dernier ouvert sur des chaussures noires de cuir souple, le chic étant qu’elles ne sont pas très bien cirées. La collection est magnifique, l’espace, un ancien bunker, évidemment atypique et sent le popcorn. Je me souviens aussi d’autres lieux berlinois. Le joli petit musée blanc et silencieux dédié à Emil Nolde où sa peinture aux orange et bleu toniques nous éclabousse(je ne me souviens plus du méchant plat de pâtes que nous avons mangé juste avant), les petites maisons de riz de Wolfgang Laib posées au sol d’une ancienne gare et du sandwich au pastrami d’après. Je me souviens que dans ce lieu très branché de l’art contemporain, il était de bon ton de porter des vêtements de couleurs aux tons descendus avec des trous dedans (les collants, les pulls) (mais bon, je reprise quand même parce que moi, j’assume pas trop !). Je me souviens avoir visité un musée pendant cinq heures et n’en n’avoir plus rien à faire devant les Botticelli (une honte que je peine à écrire ici) et avoir dévoré un apfelstrudel en sortant. Je me souviens que j’en mangerai trois en douze jours et aussi un dessert de crêpes et de prunes cuites, arrosé de snaps ! Je me souviens de l’architecture tout en verre de Mies van der Rohe, associée aux spätzele du restaurant Joseph Roth Diele. Je me souviens qu’il fait très doux, que nous marchons beaucoup, que nos pas nous portent plusieurs fois dans Mitte, nous flânons, découvrons une librairie française et son libraire accueillant et volubile, une jolie petite papeterie  tenue par une jeune et élégante japonaise, sérieuse et attentionnée et où f. un peu étonné me voit acheter un masking tape rose et japonais, of course. Je dévore un plat de raviolis sautés en pensant au vin blanc autrichien qui nous attend ce soir. Je me souviens que nous marchons le nez au sol pour lire des noms, des dates sur des pavés dorés qui disent discrètement, pour ne pas nous gâcher notre promenade, des disparitions, des déportations, je me souviens de la visite du musée juif au sol bancal, son jardin de l’exil, le malaise physique que ça engendre …
Je me souviens de l’appartement de Kreuzberg, de sa cuisine blanche et rouge, des heures de lecture matinale, dans le lit, adossée à la bibliothèque, de son mur où miroir et photos anciennes se mélangent. Je me souviens d’avoir aimé passer deux semaines dans cette ville, dans cet appartement. Je me souviens de plein d’autres choses.

lundi 8 octobre 2012

Øl, brØd, sild

 
Les vacances commencent, mais ce ne sont pas encore tout à fait les vacances, c’est un petit espace temps à l’aéroport RCD lors duquel nous croisons Michael Lonsdale ... tout d’écossais vêtu, chemise et pantalon, non coordonnés, le cheveux fatigué long dans la nuque, la silhouette courbée sur la valise à roulettes.
Là, moi, la destination de Copenhague, mon avion à prendre, la porte G 26 …, tout m’est totalement égal. Ce que je veux seulement, simplement, c’est suivre Michael Lonsdale et sa valise à roulettes …
Mais bon … quelques heures après, nous atterrissons à Kastrup.
Et donc, je me souviens de Copenhague, je me souviens qu’il faisait beau et parfois un peu frais, alors nous restions en terrasse enveloppés d’un plaid que l’on replie et laisse sur la chaise quand on s’en va. Je me souviens avoir manger des harengs marinés à la cannelle, à l’orange confite, aux oignons doux, au cherry, aux clous de girofle, de l’anguille fumée, un carrot cake en regardant la côte suédoise juste en face …
Je me souviens aimer les peintres danois qui excellent dans la peinture du silence, la cabane en bois jaune de Per Kirkeby qui curieusement m’amène dans les forêts de Sibérie, voyage virtuel du à la lecture du moment, la femme au visage dur, tête baissée, le fond bleu et froid d’Erik Hoppe, et Hammershoi, dont il ne faut rien dire, cela ferait vraiment trop de bruit.
Je me souviens de la petite sirène et de tous ces gens qui lui tournent le dos pour se faire prendre en photo avec elle, elle-même regarde vers la mer, ainsi, personne ne regarde personne, mais tout le monde est sur la photo, n’est-ce pas le plus important ?
Je me souviens du très bel appartement que nous avons loué, blanc et vide, dans Henrik Ibsens Vej, de l’épicier italien au coin de la rue d’en face et de ses pizzas chaudes façon new-yorkaises (on s’y perd).
Je crois que je pourrais vite m’habituer au principe des deux petites couettes dans le grand lit et de ne pas mettre de rideaux aux fenêtres, un peu moins vite, toute fois …Je crois qu’ici et seulement ici, je pourrai faire du vélo en ville.
Nous nous souvenons nous être beaucoup amusés dans Shadow 2 de Shilpa Gupta, f. et moi et les autres visiteurs, si bien que nous échangions des sourires entendus lorsque nous nous sommes retrouvés au café de l’Arken pour manger un hareng à la crème.
Je me souviens que nous avons regardé avec une envie grandissante, tous les jours dans la boutique en bas de chez nous, un fauteuil en bois blanc au design scandinave ; que le dernier jour, nous avons osé entrer et demander le prix  et la surprise n’était pas là où nous l’attendions : oui, le prix fait que le fauteuil reste dans la boutique où il est du plus bel effet ! et non, en fait le designer est portugais !!!
Je me souviens, le dernier jour, dans le musée que nous ne comptions pas visiter, mais bon, il ferme dans deux heures, on est juste en face … avoir pleuré devant une salle à manger orange et bleu de Bonnard (Bonnard me fait souvent cet effet là, il faut le savoir si un jour on visite Orsay ensemble !). Marthe (?) se penche en avant vers le tout petit museau du chien qui dépasse de la table …Elle lui parle. Toutes les toiles de Bonnard me ramène .
Je me souviens aussi avoir acheté un stone rolling pin green dans son étui de coton blanc, de l’avoir trouvé dans une boutique un peu comme s’il m’avait donné rendez-vous et d’être très heureuse de savoir qu’il est aussi dans une maison amie, dans une autre ville.
Je me souviens de plein d’autres choses et je me souviens d’avoir aimé cette ville, ce trop court séjour, je me souviens d’avoir envie d’aller voir la mer.