Je suis en retard. Mais voilà … j’ai trouvé sur la page
facebook de mon ami Eric cette citation qui m’allait bien. "C'est que j'étais incapable
complètement d'aligner deux mots, empêché d'écrire, physiquement empêché, comme
ça m'arrive quatre fois dans l'année... Il faut croire que le Docteur
Acupuncteur ne m'avait pas assez piqué... Vous ne m'en voulez pas trop...?
J'étais absent d'ici. On ne peut pas être en vie tous les jours..." (extrait d'une lettre de Novarina à Dubuffet)
Il y a donc quelques dimanches, j’avais commencé d’écrire
ça.
Il fait froid, il pleut et je n’ai pas vraiment envie
d’écrire. Il faudrait vraiment que je range mon bureau. Il me prend de grandes
envies de semaines entières, enfermée dans cette maison qui n’enferme pas, à
lire et seulement lire (les livres en attente sont là). Mais pour que ce
plaisir soit complet, il faudrait que le bureau soit rangé et ainsi, que
l’esprit soit libre. Le devoir avant le plaisir. Comment se défait-on de son
éducation ? Et, comme depuis un certain temps maintenant, je me dis :
allez, dimanche prochain, c’est sûr, dimanche prochain …
Mon dimanche se déroule entre la Princesse de Clèves et Un
cœur en hiver. Je suis alors proche d’un état dépressif.
Stéphane dit « le sentiment amoureux, écrit, c’est
souvent très beau. »
Oui, c’est beau, mais c’est triste. A vivre, ça n’a pas
l’air gai, non plus.
Finalement, je me rends compte que Colette, la Princesse de
Clèves, d’autres encore, Gertrud, par exemple, chez Dreyer, choisissent la
solitude comme haute idée de fidélité à l’amour. La réalité ne peut que le corrompre,
l’affadir, le faire disparaître. Alors Mme. De Clèves, Stéphane, par choix, par
impossibilité, s’isolent du monde, des autres, de l’autre pour que rien de soit
gâter. Seul, pour que l’amour perdure.
« Elle lui fit
dire, par une personne de mérite qu’elle aimait et qu’elle avait alors auprès
d’elle, qu’elle le priait de ne pas trouver étrange si elle ne s’exposait point
au péril de la voir et de détruire, par sa présence, des sentiments qu’elle
devait conserver ; qu’elle voulait bien qu’il sût, qu’ayant trouvé que son
devoir et son repas s’opposaient au penchant qu’elle avait d’être à lui, les
autres choses du monde lui avaient paru si indifférentes qu’elle y avait
renoncé pour jamais ; qu’elle ne pensait plus qu’à celles de l’autre vie
et qu’il ne lui restait aucun sentiments que le désir de le voir dans les mêmes
dispositions où elle était. »
Depuis, ça va mieux. Le bureau est rangé !
Et puis j’ai aimé lire cette liste « Comme tout
voyageur parti pour longtemps, il traîne du bagage : vêtement de rechange,
plus ou plus léger au contraire, médecines, outils de son métier ‘le sien est d’être
poète, et donc aussi peintre), sans compter ces objets dont on s’embarrasse
parce qu’un ami nous les a donnés ou parce qu’ils servent peut-être à nous
prouver notre identité. Son bagage à lui pèse tout entier sur ces maigres
épaules. Il énumère un manteau contre le froid des nuits, mais dont le poids le
fait suer au soleil, un kimono de coton pour le repos qui suit le bais
bouillant, délice de sa race auquel un ascète même ne renonce pas, une de ces
capes de paille pour la pluie qui font ressembler leur porteur à une meule de
riz en marche, de l’encre, des pinceaux, et tout ce qu’il faut pour écrire, et
finalement des cadeaux reçus à la veille du départ, qu’il n’a pas osé refuser
et n’a pas non plus le coeur d’abandonner sur la route. » Marguerite
Yourcenar, le tour de la prison, Bashô sur la route).
J’y ai vu de la difficulté d’être léger et libre, d’être
totalement seul, alourdi toujours par le poids (délicieux ?) de l’amour de
l’autre.
Pour le titre, c'est ici.