Je me souviens qu’étudiante, à l’âge de vingt ans, je travaillais les samedis et lundis dans les très grands magasins parisiens du boulevard Haussmann. C’est là que j’ai découvert que le problème de mon corps de femme à envisager le vêtement qui me siérait le mieux n’allait pas forcément se résoudre avec l’âge ! J’ai ramassé des tonnes de vêtements que les femmes emmènent dans les cabines, laissent au sol et visiblement, piétinent. J’ai désespérément essayé de faire rentrer un corps quarante deux dans un trente huit, pour m’entendre dire que visiblement je ne savais pas convertir une taille italienne en taille française, j’ai vendu à la même personne en une fois huit pulls de même forme et de couleurs différentes. Chaque pull coûtait le salaire de la vendeuse que je remplaçais pendant son jour de congé. Je les ai livrés dans un somptueux appartement du quinzième arrondissement. J’ai aussi vendu un pantalon à une actrice allemande qui joue parfois dans des films français où l’on entend son magnifique accent, un autre à une célèbre auteur de bande dessinée dans laquelle son héroïne A. a des problèmes existentiels avec les fringues. J’ai vendu la jupe que je portais à un homme qui la voulait absolument pour sa femme ! J’ai retrouvé une petite culotte dans la cabine d’essayage (trois fois dans ma vie, j’ai trouvé des culottes dans des endroits où je ne voyais pas bien ce qu’elles avaient à y faire !). Et j’ai aussi reçu un harem ! Envol d’oiseaux noirs qui dévastent le stand en rigolant bien. Des hommes se plantent devant les cabines pour qu’aucune vendeuse n’entre. En trois heures, elles ont généreusement dépensé deux millions de francs. C’était la première fois que je ne voyais absolument rien du corps d’une femme, ni les mains enfouies dans des gants en cuir, ni les yeux cachés derrière un fin grillage argenté ! Enfin, c’est là que j’ai appris que se choisir un vêtement n’est ni frivole, ni forcément léger et qu'il peut se jouer là de grandes douleurs existentielles.
Bonjour Sylvie, j'ai lu votre texte par l'entremise de Delphine Traimany. Le direct concret et pourtant l'intériorité de ce que vous m'écrivez m'a énormément parlé. Je viens de regarder votre profil, livres, films,etc., ça m'a donné des frissons tant je m'y retrouve. J'aimerais beaucoup vous rencontrer et aussi partager ce que j'écris que je ne montre plus à personne, qui a pris un peu la poussière, mais qui fait du bruit dans le tiroir. Enchantée
RépondreSupprimerBonjour Sylvie (même les prénoms concordent). L'internet permet ce genre de rencontre, c'est tout à fait réjouissant. C'est avec plaisir que je lirai vos lignes (par mail dans un premier temps car je n'habite pas en Bretagne !). A bientôt.
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