Je me souviens de Bologne dans la première semaine de
juin. Je marche dans les rues, sous les soixante-dix kilomètres d’arcades, même
si l’intensité du soleil n’a pas encore besoin que l’on s’en protège. Je fais
des photos, je mange des glaces
arancia, yaourt, pamplemousse rose. Il n’y a plus de parfum cédrat,
celui qu’on dit être le meilleur. Revenir, alors. Je mange, évidemment, des
tortelloni, de la burrata di buffala. La septième des sette chiese est celle
que je préfère, la plus ancienne, la plus dépouillée. Une messe au Xè siècle,
c’était comment ? Je perds mon petit bracelet rouge dans la campagne
bolognaise. Il ne me reste plus qu’à l’imaginer au pied de la grande maison
abandonnée, celle aux couleurs des toiles de Morandi, celle habitée par le
fasciste, dans les années quarante et dont personne ne veut plus. Je me
souviens déambuler lentement dans Santa Maria dei servi au son du répétiteur
d’orgue qui annote sa partition, je me remplis des fragments des fresques dans
le manque de lumière de la basilique. Sur un mur, un chien cherche une caresse
vers une main qui se tend, une femme enceinte assise, une écuelle, tout le
reste a disparu. Il est vingt et une heure, nous rentrons dîner en marchant
doucement. Je me souviens dans l’après-midi avoir croisé des femmes élégantes
dans leur petite robe noire, leurs chaussures qui dénudent les pieds, les
ongles peints d’un rouge éteint qui s’accorde aux « tenda rossa » des
fenêtres. Un autre jour, dans un appartement comme une caverne de la via
Marsala où les étagère emplies de dvd couvrent les murs, nous regardons
quelques images de Bright Star. Les très jolis vêtements de l’héroïne, les
lumières d’une autre campagne. Être ailleurs. Être à Bologne pour trois jours.
Et puis, à l’escale de Munich ou Monaco, il pleut, j’achète un crayon pour
prendre quelques notes avant qu’elles ne s’échappent, avant que le retour de
l’ailleurs ne fasse son travail. Pour l’en empêcher tout à fait, le chérubin en
bois acheté au marché prendra place dans notre salle de bain.
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