Je me souviens des étés de mon enfance, c’était
ratatouille et melon au porto. (Évidemment, je n’avais pas le droit au Porto.
Quand j’ai pu y goûter, et bien, je n’aimais pas tellement ça.) On mangeait les
restes de ratatouille le lendemain avec des œufs cuits dedans. Je faisais de
longues siestes (toujours pas compris la sieste courte !) sous l’édredon à
plumes de ma grand-mère (oui, en Bretagne, on fait des siestes sous des
édredons !). On pique-niquait au bord de la mer le soir après avoir bu
l’apéritif à l’Abri côtier. Parfois, il fallait mettre un petit gilet à
manches, en coton, sur le maillot, pour ne pas avoir froid. On mangeait des
tomates en croquant dedans, ça pouvait couler jusqu’au coude, et du pâté Hénaff
qui n’était pas du tout à la mode (trouvé il y a quatre ans à New York à un
prix tout à fait prohibitif dans une épicerie fine chiquissime !). J’avais
le droit d’aller à la papeterie toute seule. Il n’y avait que la rue à
traverser. J’achetais déjà des cahiers, des carnets (j’avais sept ans, huit ans
… ) dans lesquels je collais des images, des décalcomanies … L’odeur me serrait
un peu le ventre, car tout ce papier neuf, c’était aussi bientôt l’école, la
rentrée, mais je ne pouvais quand même pas y résister et je passais l’été à
remplir mes carnets une fois l’heure du cahier de vacances faite. Je me
souviens aussi de l’odeur du tube de colle. J’essayais de le faire tenir en
équilibre sur son bouchon cranté au bout arrondi, la tête un peu relevée pour
ne pas que ça coule trop. Je préférais, bien sûr, l’odeur de la colle dans le
petit pot avec la spatule, mais ça faisait des gros pâtés sous l’image, le
résultat était moins beau. Je lisais les livres de la bibliothèque rose,
surtout le club des cinq, les aventures de Claude, Annie, François, Michel et
le chien Dagobert. Les escaliers de l’immeuble pour monter au premier étage où
habitait ma grand-mère étaient cirés. C’était glissant et odorant. Je me
souviens de la grosse boîte de cire, ronde, jaune, en fer avec un couvercle qui
s’emboîte. Il fallait un couteau pour l’ouvrir ; avec les ongles, on n’y
arrivait pas. Aller chercher le courrier en chaussettes était une expédition
dangereuse. Le jeu était de descendre et monter le plus vite possible sans
tomber, mais aussi glisser, se rattraper avec le coeur qui fait un bond dans la
poitrine. Parfois, il y avait une lettre de mon père que ma mère lisait à haute
voix.
ah! le chien Dagobert... mon premier compagnon animal et ses amis de papier.
RépondreSupprimerEt toutes leurs aventures qu'on vivait, allongé sur le lit, parterre, plié en quatre dans un fauteuil ou sur la serviette de plage ...
SupprimerC'est drôle, l'apéritif à l'Abri Côtier et le pâté Hénaff faisaient partie de ma représentation fantasmée de vie "très française", au même titre que le désormais fameux "pâté de lapin au cerfeuil" que j'imaginais servir à François Mitterrand dans mon faux restaurant de petite fille.
RépondreSupprimerA cette époque-là, seuls mes étés étaient français et je pense que la grenadine de l'Abri côtier et le pâté Hénaff avaient le goût d'un "retour" à la maison. Loin de la France, ma mère a pleuré à l'annonce de la mort de Pompidou, je ne savais pas très bien qui c'était.
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