Je me souviens, en reprisant mon gilet, de la douceur de la
fin de l’été à Berlin. J’avais retiré ma veste et allais par les rues et les
parcs, marchant d’un bon pas, en gilet de maille noir, et sans chaussettes, un
vingt septembre. En rentrant le soir, fourbue, prête à une dînette d’une salade
de légumes, humus et saumon avec f., j’avais réalisé que toute l’après-midi,
j’avais frotté ma manche à la fermeture éclair de mon sac et maintenant, il y
avait un trou dans ce gilet adoré. Prête à l’automne toulousain qui s’avance et
aujourd’hui, fait un pas en arrière, je reprise. Penchée sur l’ouvrage, me
prenant pour fanny Brawne et rêvant au nouveau manteau arrivé hier dans la
penderie, je me souviens de Berlin. Deux jours avant le vingt, nous sommes
emportés dans une redécouverte de l’art contemporain à la Boros collection par
un jeune homme fort élégant, mince, en pull jacquard mailles fines, bleu et
blanc et jodhpur quatre boutons, le dernier ouvert sur des chaussures noires de
cuir souple, le chic étant qu’elles ne sont pas très bien cirées. La collection
est magnifique, l’espace, un ancien bunker, évidemment atypique et sent le popcorn. Je me souviens aussi d’autres lieux berlinois. Le joli petit musée blanc
et silencieux dédié à Emil Nolde où sa peinture aux orange et bleu toniques
nous éclabousse(je ne me souviens plus du méchant plat de pâtes que nous avons
mangé juste avant), les petites maisons de riz de Wolfgang Laib posées au sol
d’une ancienne gare et du sandwich au pastrami d’après. Je me souviens que dans
ce lieu très branché de l’art contemporain, il était de bon ton de porter des
vêtements de couleurs aux tons descendus avec des trous dedans (les collants,
les pulls) (mais bon, je reprise quand même parce que moi, j’assume pas
trop !). Je me souviens avoir visité un musée pendant cinq heures et n’en
n’avoir plus rien à faire devant les Botticelli (une honte que je peine à
écrire ici) et avoir dévoré un apfelstrudel en sortant. Je me souviens que j’en
mangerai trois en douze jours et aussi un dessert de crêpes et de prunes
cuites, arrosé de snaps ! Je me souviens de l’architecture tout en verre
de Mies van der Rohe, associée aux spätzele du restaurant Joseph Roth Diele. Je
me souviens qu’il fait très doux, que nous marchons beaucoup, que nos pas nous
portent plusieurs fois dans Mitte, nous flânons, découvrons une librairie
française et son libraire accueillant et volubile, une jolie petite papeterie tenue par une jeune et
élégante japonaise, sérieuse et attentionnée et où f. un peu étonné me voit
acheter un masking tape rose et japonais, of course. Je dévore un plat de
raviolis sautés en pensant au vin blanc autrichien qui nous attend ce soir. Je
me souviens que nous marchons le nez au sol pour lire des noms, des dates sur
des pavés dorés qui disent discrètement, pour ne pas nous gâcher notre
promenade, des disparitions, des déportations, je me souviens de la visite du
musée juif au sol bancal, son jardin de l’exil, le malaise physique que ça
engendre …
Je me souviens de l’appartement de Kreuzberg, de sa cuisine
blanche et rouge, des heures de lecture matinale, dans le lit, adossée à la
bibliothèque, de son mur où miroir et photos anciennes se mélangent. Je me
souviens d’avoir aimé passer deux semaines dans cette ville, dans cet
appartement. Je me souviens de plein d’autres choses.
moi je préfère le schnaps, plus suisse et moins zozotant!
RépondreSupprimermais un plaisir toujours de te lire...
Anonyme suisse : mais oui, bien sûr, schnaps ! Ce doit être d'en avoir trop bu, ça agit aussi dans le souvenir. Heureusement que j'ai à faire à un spécialiste.
SupprimerDélicieuses petites madeleines...
RépondreSupprimerSylvie, merci de cet appétit.
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